vendredi 19 août 2016

Le retour à la terre - 2

Je viens de terminer un livre avec plein de pages : Servitude humaine, de Somerset Maugham.

J'ai été pour le moins surprise de retrouver dedans le concept du woofing.

Une famille londonienne d'intellos précaires (le père est créateur de slogans pour un grand magasin) de la seconde moitié du 19e siècle, avec neuf enfants, s'exile dans les houblonnières du Kent pendant les vacances pour récolter le houblon.

Tous les membres de la famille travaillent tous les étés, sauf les touts petits enfants, de 6 h à 17 heures.

Le narrateur nous présente ça comme une échappée joyeuse vers le bon air et la vie simple. 

Les descriptions du peuple par Somerset Maugham valent leur pesant de cacahuètes, je vous recommande chaudement.

Le retour à la terre

Ils ont quitté leur vie de cadres bien payés (après avoir fait leur pelote, vous ne voudriez tout de même pas !) pour s'acheter un âne, une boulangerie, de la terre, une fermette et une conscience paysanne. 
Ils sont bio et locavores. 
Ils ne regardent jamais la télé, ce loisir de pauvre, ce pauvre loisir. 
Ils ont lu La Distinction, de Bourdieu et savent très bien faire la part des choses et de ce qu'elles trimballent comme marqueurs sociaux.
Ils ne résistent pas au plaisir de vous faire part de leurs incroyables découvertes sur la vie, leur vie, que vous savez ne jamais pouvoir mener, faute de blé, soyons clairs, et aussi, parce que vous n'êtes pas sûr de ne pas éclater de rire si d'aventure un tricothérapeute vous attaquait les écailles des cheveux à coups de couteau énergisants.
Ils rassurent tout le monde, parce qu'ils offrent une alternative douce et plutôt sympathique (même si leurs pulls grattent un peu sous les bras) et qu'ils prêchent la communication non violente. 
Ils échangent des regards peinés à la moindre tentative d'irruption de la violence ou de la colère, ces émotions négatives qui polluent leur spiritualité. 
Ils sont gentiment et fermement décidés à se construire un monde qui exclut tout ce qui pourrait les déranger et attenter à leur saines et écologiques certitudes.
Descendants des bien-pensants, ferment de toutes les dictatures, ils sont pourtant persuadés de faire partie de l'élite éclairée (laquelle éclaire devant elle, jamais sur les côtés, notez bien).
Ce portrait vous a ouvert l'appétit et vous vous demandez comment les rencontrer ? Rien de plus simple: pratiquez le woofing
Si l'économie collaborative ne vous dit pas grand-chose, apprenez que le woofing consiste à échanger quelques heures de travail contre le gîte et le couvert et, comme dirait l'autre, « c'est super, ça permet à des pauvres de voyager ! » 
J'en ai tâté cet été avec mon mari, notre budget vacances se réduisant à pas grand-chose. Nous avons constaté sur pièces que le machin, sous des dehors solidaires et organic, ne nous dépaysait pas vraiment : le but du jeu est encore et toujours de faire travailler un max qui se trouve du côté prolétaire du contrat. 
Le contrat de woofing ne comportant heureusement pas d'obligations de rester se faire exploiter si l'on considère que le jeu n'en vaut pas le tour de reins, nous nous sommes promptement évadés, crottés et rompus, une fois bien établi que la notion « quelques heures de travail » était plutôt flottante et sujette à une variation invariablement orientée à la hausse.
Pour nos prochaines vacances, nous nous tâtons sérieusement : don d'organes ou vente d'enfants ?

mardi 16 août 2016

Le progrès, c'est intéressant

Houba, dites donc ! 
Un petit moment que j'ai lâchement abandonné ce blog, pas vrai ? 

Toujours pas trouvé de solution pour ne pas retourner me faire presser le citron pour payer le loyer et les factures. 

Au cas où vous attendiez que je vous apporte la lumière, il va falloir trouver autre chose.

Pas très marrant tout ça, je reconnais.

Heureusement, la télé offre des moments délicieux. 

Ces temps-ci, si vous zappiez entre plusieurs journaux télévisés (je vous recommande, les rédactions s'évertuent à évoquer les mêmes sujets exactement de la même façon et en même temps, à croire qu'elles s'espionnent entre elles, ça distrait), vous tombiez immanquablement sur le camping à 5 euros par jour, sorte de paradis pour pauvres. 

On voyait dans le reportage des trognes qu'on n'a pas souvent l'occasion de voir à la télé.

Pour garantir des prix bas, le propriétaire, qui a l'air d'un brave type, fait appel à la participation des campeurs pour gérer le camping, chacun sacrifiant donc un peu de ses loisirs pour se payer ses vacances.

Le progrès, c'est quand les pauvres comprennent que c'est mieux de travailler pendant les congés payés, surtout en période de chômage de masse.

En plus, les pauvres, vous avez remarqué, ils font en général des boulots pas vraiment reposants, aide à domicile, charpentier, c'est dire s'ils sont entraînés pour travailler tout le temps. 

Sans compter qu'à ce rythme-là, ils n'auront pas non plus des retraites trop longues, à s'ennuyer à ne rien faire.

On comprend l'air extatique et le sourire radieux de Jean-Pierre Pernaut au moment de refermer cette instructive page d'info.