mardi 4 juin 2013

Une journée de travaillage ben ordinaire

5 h 30. 
Levage de l'intérimaire employée de restauration. Tête dans le cul. Douchage. Reniflage de la chemise : ça fera encore une journée. Habillage. Toujours dans le pâté. Thé + gâteaux aux céréales. Radio. Ça chie en Turquie et les familles aisées sont bien marries qu'on les dépouille toutes vives.

Clopage. Quelques fenêtres allumées.

Sac à main + clés + sac avec ma tenue et une doudoune (ils m'ont prévenue à l'agence d'intérim que je vais travailler dans le froid). Bagnole + rocade + blaireaux qui te collent au cul, des fois que ça ferait avancer plus vite leur vie, on ne sait jamais. Arrivage dans la zone de Pétaouchnok-les-Machins. Garage en vrac de la voiture. Montage de l'escalier de la cuisine centrale. 
7 h.
Accueillage par deux nanas. Une blonde aux jolis yeux bleus et une petite trapue râblée aux cheveux poivre et sel très masculine. Présentage et nommage. Comme je suis d'humeur badine de bon matin, je lance : « Je m'appelle Chose et je ne suis pas alcoolique. » Bide. La petite trapue me jette un regard noir : « Vous faites comme vous voulez. » Avalage de salive. La petite trapue me propose une tenue et me demande avec inquiétude si j'ai prévu de bien me couvrir. Je refuse la tenue (j'ai tout ce qu'il me faut) et j'ai prévu ce qu'il faut pour ne pas me geler, merci c'est gentil. Déshabillage et enfilage de la tenue (tee-shirt à manches longues + veste + pantalon + shoes de sécurité + doudoune, merde j'aurais dû prévoir un foulard. Tant pis.)

Allage dans la salle de pause. Nommage des deux filles. Buvage d'un thé vert pour moi et de café pour elles deux. Discutage. La petite trapue s'est pris la tête avec une de ses collègues, il ne faut pas lui chauffer les oreilles. Il n'y a jamais assez de monde, c'est n'importe quoi cette boîte. La blonde sourit. Elle est intérimaire, la petite trapue est en CDI. Roulage des mécaniques de la petite trapue : c'est à elle qu'on demande si les intérimaires peuvent revenir. « J'ai demandé que tu reviennes », dit-elle d'un air lourd de sous-entendus à la blonde qui sourit. Je place vite le fait que je suis mariée, on ne sait jamais...

Posage de questions : où suis-je censée exercer mes talents ? La petite trapue hausse les épaules : « Conditionnement. » Interrogeage de pourquoi ça lui fait cet effet. Répondage de la petite trapue : « C'est moi qui le fais normalement, je sais que c'est... » Rigolage. Enfilage de charlotte, posage de masque. Lavage de mains. Enfilage de gants. Rencontrage de nouveau collègue : origine vietnamienne, lunettes, sérieux. Préparage du poste de travail. Balance, barquettes, bac de semoule. Remplissage de pléthore de barquettes de semoule (150 g puis 100 g) à la main.

Explicage de collègue vietnamien sérieux : pas tripoter la semoule, se servir de sa main comme d'une pelle. Finissage de remplissage des barquettes avec main en pelle et pas de tripotage de semoule. Explicage que aimage tripotage et que si pas tripotage, question sur restage. Esquissage fugace de sourire par collègue sérieux. Plaçage des barquettes au fur et à mesure sur grille puis empilage des grilles sur échelle. Surveillage par collègue sérieux et donnage de conseils pour optimisation temps de travail. Explicage : plein d'années d'expérience, etc.

Fredonnage pour lutter contre grosse envie de rigolage. Nouvelle mission : remplissage barquettes de légumes couscous. Une petite louche par barquette. Explicage collègue sérieux : pas assez de jus. Ratage d'attrapage de barquettes et gâchage éhonté car jetage poubelle direct. Explicage de collègue sérieux : posage de louche PUIS attrapage de barquettes, sinon jetage barquettes. Faisage hara-kiri. Applicage toyotisme à remplissage multiples barquettes puis regardage de collègue sérieux sur nombre de barquettes remplies. Economisage de gestes et voulage de foutage de louche sur lunettes collègue sérieux. Retenage. Travaillage sans parlage : rentabilisage maximal de présence intérimaire. Remuage de légumes couscous car explicage collègue constipé que sinon restage de grains dans le fond. Reprenage et vocabulaire car excédage : grains = pois chiches.

Fusage de regard assassin par-dessus masque de collègue psychorigide. Finissage de remplissage et comptage de barquettes. Emmêlage de crayons et agaçage de collègue à lunettes. Nouvelle collègue, encore plus sérieuse que premier collègue sérieux. Empilage de barquettes de pâtes trois par trois sur grilles sur échelle. Boucan infernal et hurlage de choses. Incomprenage. Regardage par collègue sérieuse comme buse intégrale. Explicage que boucan = pas comprenage. Répétage avec agaçage. Empilage. Demandage de 31 grilles. Empilage. Hurlage de collègue sérieux adepte du toyotisme : demandage de 31 barquettes pas 31 grilles ! Explicage que criage superfétatoire à collègue sérieux. Pétage de plombs de collègue sérieux : pas engueulage, disage. Rétorquage que pas grave, et calmage nécessaire. Pétage de plombs de collègue instable et tentative de calmage mais tirage de tronche majeur de collègue sérieux. Reprenage en main par collègue sérieuse.

Empilage. Demandage de question sur ton hallucinant par collègue sérieuse. Répondage avec forte envie de foutage sur la tronche. Retenage. Respirage. Empilage. Pause : cigarette. Demandage où mettage de mégots. Répondage de collègue sérieuse : « Là » et désignage de quelque chose dans l'espace. Présumage possibilité que machin avec trou  soit cendrier. Demandage confirmation. « Je mets ça là ? » Répondage sur ton bref comme si demandage superflu par débile profonde : « Dans le trou. » Jetage de mégot et jetage de « Pardi ! » par intérimaire qui commence à attendre avec impatience que le scketch se termine.

Perdage dans locaux car premier jour et laissage de démerdage par collègues sérieux mais pas trop portés sur les explicages inutiles.

Discutage rapide avec plongeur sympa : « As-tu pris le temps de prendre un café ? » Répondage avec grand sourire que non car non voulage de partage en vrille. Apréciage de sourire du plongeur. Empilage. Mettage de merguez sur semoule. Reprochage muet que pas assez rapide. Mettage d'échelles dans cellule de refroidissement et prévenage par collègue sérieuse que risquage de cassage de gueule de barquettes car butée avant cellule.

Tentage : cassage de gueule de barquettes. Disage de gros mots par l'intérimaire. Rigolage de collègue sérieuse : « Je vous l'avais pourtant dit ! » Rigolage de collègue sérieux. Ramassage de barquettes et rempilage. Retentage. Recassage de gueule de barquettes. Reramassage sous regards goguenards de collègues morts de rire et immobiles. Retentage avec râlage. Réussissage. Regardage de pendule. Empilage de barquettes. Regardage de pendule. Passage de petite trapue avec examinage destiné au tremblage de l'intérimaire. Regardage de pendule. 

Demandage par collègue sérieuse si revenage demain.
Répondage par l'intérimaire : « Je ne sais pas ! ». 

11 h. Finissage de la mission. Sauvage à toutes jambes de l'intérimaire.

PS : Bien agaçant, aussi, le gars de la boîte d'intérim, qui faisait son déçu pas certain de me donner une nouvelle chance (ouarf !) quand je lui ai appris que puisque c'était mon jour d'essai, je n'allais pas poursuivre cette intéressante expérience. Ou celui du gars de l'autre boîte d'intérim que je viens de contacter et qui me découragerait presque de venir lui présenter mon CV, histoire que je le supplie à genoux de me trouver un boulot de merde éreintant et bouffe-vie sous-payé.

On le sait que c'est la crise et pas facile facile, mais arrêtez d'essayer de nous faire croire qu'on ne va pas trouver de boulot dans la restauration, alors que les revues de la profession pondent avec une régularité désarmante des articles plaintifs comme quoi c'est tellement dur de trouver des gens motivés et sérieux pour se farcir ces métiers en tension et patati et patata, snif ! et bouh !